22 juillet 2019
Echanges avec Jean Jouzel. Vous avez travaillé en terres lointaines pour observer ces phénomènes climatiques. Pourquoi est-il si important pour l’homme de rester connecté à la nature ?
Il faut regarder la nature. J’ai commencé ma carrière en étudiant la grêle. Et l’observation réelle de la nature a été essentielle pour moi pour compléter le travail de simulations réalisées dans nos laboratoires. On ne peut pas laisser nos paysages disparaître. La terre est un bien qu’on nous a légué. Il nous appartient de mener nos activités dans le respect de la biodiversité. Les événements récents nous montrent combien les calendriers naturels tels que les dates des vendanges peuvent être bouleversés.
Vous aimez remonter dans le temps en reconstruisant les climats passés. Quels enseignements en avez-vous tiré pour le climat du futur ?
Le passé nous livre des informations pertinentes qui nous éclairent sur l’évolution du climat. La communauté scientifique a pu mettre en évidence en 1987 qu’il existait un lien entre les gaz à effet de serre et variations climatiques passées. Ces résultats ont été obtenus après analyse des carottes glaciaires issues du forage antarctique de Vostok. Puis, nous avons montré que des variations climatiques pouvaient être très rapides. Le passé nous enseigne aussi que les périodes chaudes ont provoqué des élévations importantes du niveau de la mer. Ce qui est un facteur prédictif des menaces claires qui pèsent sur la planète. Enfin, il est essentiel d’étudier la variabilité du climat sur des échelles de temps long pour pouvoir comprendre les phénomènes extrêmes climatiques actuels tels que El Nino. Ce que nous vivons aujourd’hui bénéficie de ces enseignements du passé et nous invite fortement à mieux agir pour notre futur.
En quoi la situation actuelle de notre planète est-elle unique ?
De tout temps, la planète a connu des variations climatiques. Ces variations avaient toujours une origine naturelle. Jusqu’au XIXème siècle au moins. Depuis, nous sommes confrontés à une exceptionnelle variabilité climatique provoquée par nos activités humaines. En modifiant la composition de l’atmosphère, nos actions ont impacté le climat. Quand la variabilité naturelle du climat provoque un réchauffement d’un dixième de degré, le réchauffement lié aux activités humaines est près de dix fois plus important. Notre situation est unique car c’est la première fois que, dans l’histoire de l’humanité, un tel phénomène se produit. L’homme est la cause essentielle de ces dérèglements.
Quelle part les entreprises peuvent prendre dans la protection de notre planète et de l’humanité ?
Les entreprises ont un rôle essentiel à jouer dans la transition climatique. Petit à petit, nous avons pris conscience de la nécessité d’être une communauté soudée et cohérente. Je suis convaincu que la solution est de tous regarder dans la même direction. Tous les secteurs économiques peuvent participer sans exception. L’investissement vert aura des effets vertueux. A nous de nous rassembler. Il faut agir sur les dix ans à venir pour maintenir le réchauffement à long terme en deçà de 1,5 degré, ce qui est indispensable si l’on veut pouvoir s’y adapter.
A la Convention, Univers forêt / Regards croisés Jean Jouzel & Laurence de la Ferrière – Vivre, découvrir et s’engager pour la planète