15 juin 2020
La crise ne m’a rien appris sur moi, réellement. Elle a juste confirmé des points de personnalité. Elle m’a obligé à accepter rapidement les nouvelles contraintes. Il a fallu rebondir sur toutes les difficultés et découvrir dans chaque difficulté une opportunité. A mon échelle, j’ai agi ainsi et j’ai pu le faire car je me connaissais suffisamment. Je savais que je pouvais faire face à la difficulté. La crise a confirmé ses qualités.
Je crois que l’assurance que l’on a en soi rassure les autres. Bien sûr, j’ai dû tenir différents rôles que je ne connaissais pas. J’ai fait appel à l’imaginaire pour me projeter dans ces nouveaux rôles et construire de nouvelles choses. C’était aussi la condition sine qua none pour rassurer et installer la confiance.
J’ai découvert de nouvelles formes de résilience. Je suis devenue un couteau suisse, un repère pour les collaborateurs dans de nombreux domaines qui m’étaient parfois inconnus. Je souhaitais que les collaborateurs puissent se dire qu’ils avaient un couteau suisse qui ne pourra peut-être pas tout faire mais qui essaierait. J’ai conservé tout au long de la crise un discours franc et humble.
Je prends l’exemple du télétravail. Notre première réaction a été de dire que c’était impossible en raison du volume énormes d’échanges de data avec le serveur et les postes de CAO. Nous avons beaucoup réfléchi. En dix jours, nous avons réussi à mettre en place des tunnels sécurisés. Les services d’infogérance ont beaucoup œuvré pour résoudre de multiples problématiques associés.
« On a ouvert nos shakras et on a trouvé la solution. C’était impossible et on l’a fait ».
Des collaborateurs engagés. Ils l’ont été également dans la crise. Nous avons ensemble mené de nombreuses petites actions : aidé nos clients en emballant du gel, fabriqué des visières. Nous avons soutenu des confrères dans le monde de la production. Nous avons dépanné des professions multiples : un centre médical, des kynésithérapeutes, un gérant de pizzeria, une psychologue, des maîtresses d’école… Cela a permis à ces personnes de poursuivre leur activité.
Une quête de sens concrétisée par des engagements citoyens. Ensemble, nous avons fait des dons de sang. Nous sommes nombreux à nous être inscrits car tous ces gestes prenaient encore plus de sens. Nous avons repositionné nos métiers pour participer à l’effort de lutte contre la pandémie. Certaines personnes se sont portées volontaires pour des actions individuelles. Les techniciens du SAV ont épaulé la production et la recherche et développement. Grâce à ces soutiens, nous avons pu mettre en place une chaîne pour fabriquer différentes écorecharges de gel hydroalcoolique (1, 2 et 5 litres). Ces poches pouvaient être rechargées. Un de nos métiers est de concevoir et de fabriquer des machines qui produisent des poches de sang. Nous avons utilisé notre matériel de démonstration pour mettre en place une autre chaîne de production.
Certaines personnes se sont proposées pour renforcer le poste des autres. La secrétaire en charge des déplacements à l’étranger est venue épauler le service d’administration de ventes. Elle a aidé, mais elle a aussi découvert un nouveau métier. Maintenant, elle sait gérer les offres commerciales pour les pièces détachées.
Faire face à l’inconnu et prendre soin de l’autre pour limiter les peurs. J’ai ressenti un fort besoin de protection des équipes. Les perceptions et les réactions face au Covid-19 ont été très variables, voire opposées. L’enjeu était de maintenir la cohésion du groupe. Dans le passé, nous avions l’habitude d’être dans un mode adaptatif. Il a fallu l’expérimenter et gagner en souplesse quand il y avait des peurs. Les équipes ont confirmé cette capacité d’adaptation.
L’activité ne s’est jamais arrêtée. Nous reprenons l’activité en présentiel, cela veut dire que le télétravail va s’arrêter. Revenir n’est pas forcément facile pour tous. Certaines personnes ont encore peur de l’épidémie.
Le gain d’autonomie et d’organisation. Le télétravail a incité les personnes à aller chercher par elles-mêmes les informations. Habituellement, nous sommes tous regroupés sur le même site. On peut demander de l’aide aux autres. A distance, il fallait pouvoir s’organiser parfois seul.
Le repositionnement des compétences permettra sûrement des gains d’innovation. Les techniciens qui sont allés travailler au sein de notre bureau d’études ont pu apporter leur expérience de terrain. A terme, nous intégrerons leurs conseils.
L’entraide et l’écoute. Quand il y avait du stress, nous nous sommes rendus très disponibles pour être dans l’écoute et l’entraide. On a appris à plus écouter car l’humain est devenu encore plus prégnant qu’auparavant. Ensuite, il faut réapprendre à rouler sans les petites roulettes comme à vélo. Effectivement, l’intensité a pu être forte pendant cette période. Là, il faudrait que nous repartions dans une zone plus neutre. L’écoute continue demande à tous beaucoup d’énergie.
La distance sociale est pesante à la longue. Je fonctionne en mode latin, alors, les parties de cartes et les barbecues dans l’entreprise me manquent. Les collaborateurs ont proposé une sortie en VTT. J’ai hâte de retrouver la spontanéité dans les relations. Ces micro cassures du lien me coûtent beaucoup. Vivement le retour à la vie !
(1) BAROMÈTRE MORAL DES ENTREPRENEURS APM (Résultats de la 2e vague du 30 avril au 6 mai 2020).