8 juillet 2019
Interview de Sébastien Bras, Aux commandes du restaurant le Suquet depuis 2009, Sébastien Bras trace un nouveau chemin sur l’Aubrac. Au rythme de la nature, il propose une cuisine de mouvement qui retranscrit l’émotion qu’il éprouve à son contact. Sa cuisine intuitive et précise devient alors expérience pour l’autre. .
La cuisine est l’enjeu d’une création intime. Il n’y a pas de « recette » pour créer une assiette. Le processus de création peut être long ou rapide. On peut avoir des intuitions fulgurantes et trouver facilement des associations. Mais, cette démarche peut au contraire rester longtemps suspendue dans le temps et être posée en latence pendant un, deux ou trois ans. Par exemple le miso : son utilisation a mis entre quinze et vingt ans à éclore. J’ai mis du temps à découvrir ce produit. Aujourd’hui je l’utilise et même le fabrique.
La cuisine est pour moi un vecteur de transmission, d’émotions. L’assiette va retranscrire une rencontre, une discussion, parler d’un voyage. La cuisine suscite quelque chose en nous. Elle est un puissant moteur pour réveiller les émotions, tels le goût du pain brûlé ou celui de la peau de lait qui me rappellent mon enfance. Les saveurs ont cette faculté de susciter des souvenirs de remémorer un moment. Van Gogh a écrit dans une de ses lettres : « mon Brave n’oublions pas que les petites émotions sont les grands capitaines de nos vies et qu’à celles-là nous y obéissons sans le savoir.
Pour conserver cette intensité il est important de rester acteur de cette démarche. Il y a toujours quelque chose à faire évoluer. Revenir à la tâche est plus qu'essentiel je fuis la routine. Un retour journalier au menu me ramène à l’exigence, à la cohérence que je recherche dans la cuisine pour qu’elle forme un tout. Je me remets en question, j’expérimente, je suis très exigent avec les autres comme avec moi. Je ne relâche pas mon attention, je suis vigilant.
Ma place est celle d’un chef d’orchestre, ou d’un capitaine à la barre de son bateau. J’anime ne équipe de soixante dix personnes. Je m’appuie sur des personnes de confiance. J’ai aussi une fonction de pédagogue exigent et qui donne l’exemple. Mais surtout je suis et je reste « cuisinier » et garde ce goût de « faire ».
J’ai compris un jour que le bonheur se jouait ailleurs et autrement. J’ai succédé à mon père qui avait obtenu trois étoiles au guide Michelin, mon objectif était de continuer le chemin. Puis ma vision des choses a changé le sens que je voulais donner à ma vie, accompagné en cela par ma femme Véronique. Nous avons donc décidé de déposer nos étoiles; pour ce qui me concerne vers une cuisine « sans pression » voilà notre choix à ma femme et à moi.
(Crédit photo : Christian Bousquet)
A la Convention, retrouvez Camille Lacourt et Sébastien Bras en regards croisés – Univers Lac – vendredi matin – Quels objectifs se fixer après avoir atteint son sommet ?