5 juillet 2019
Jean-Edouard Grésy, expert Apm revient pour nous sur la révolution du don.
Comment passer d’un management de contrôle à une révolution du don pour qu’une organisation soit performante ? Réponse avec Jean Edouard Grésy, docteur en anthropologie et médiateur.
• Révolution du don, c’est le nom de votre livre et le nom de cet atelier. Pourquoi un mot aussi fort que Révolution accolé à cette notion de don ?
« Révolution du don », est en effet un titre paradoxal. Le don est une notion « archaïque », que l’on trouve dans les sociétés primitives, et qui ne change pas quand tout change. Pour être plus précis ce qui ne change pas, c’est la manière dont nos liens se créent. Ils se créent grâce au don.
• Pourquoi le mot Révolution ?
Parce que le don se perd. Dans un certain nombre d’organisations, on a besoin de tout calculer, de tout mesurer, de tout compter. Cela tue la capacité à donner de chacun et donc ce qui fait la richesse d’une entreprise. On tue la poule aux œufs d’or. La question que je pose et que j’essaye de résoudre est donc la suivante : comment passer d’un management de contrôle, qui laisse peu d’autonomie et peu de reconnaissance à une révolution du don pour qu’une organisation soit performante ?
• La réponse consisterait donc à revaloriser le don ?
70% des salariés estiment qu’ils ne sont pas reconnus dans ce qu’ils donnent. Donner, c’est partager ses idées sans penser que l’on s’appauvrit, c’est transmettre ses savoirs et monter en compétences, c’est générer de l’entraide, c’est offrir de l’attention, du rire, de la convivialité. Mais si je ne suis évalué que sur mes performances, cela ne marche plus. Un bon manager, c’est quelqu’un qui est capable d’évaluer le don et d’en identifier les ratés.
• Quels sont ces ratés ?
Je suis parti des travaux de l’anthropologue Marcel Mauss sur le don dans les sociétés primitives qui fonctionne sur une triple obligation : donner/recevoir/rendre. A chaque étape de ce cycle, il y a des pièges relationnels. Mais à la base, ce cycle du don ne peut en réalité fonctionner que s’il y a une demande. Dans un certain nombre d’organisations, la demande n’est pas perçue, ou mal perçue. 52% des managers n’osent pas demander de l’aide quand ils sont en difficulté. Et au lieu de la demander clairement, ils expriment une demande tacite. En face, la personne ne comprend pas, la connexion ne se fait pas et il n’y a pas d’échange possible. Demander, cela signifie aussi mettre les formes et notamment ne pas exiger. C’est ainsi laisser l’autonomie à l’autre de donner de son plein grès. Ce qui est insupportable pour beaucoup de personnes, ce n’est pas de « faire », mais la manière dont on leur « demande de faire ». Ensuite, je dis souvent qu’il faut deux jambes pour qu’une entreprise avance : une jambe pour le don et une jambe pour débattre avec intelligence,
• C’est à dire ?
Pour que le don fonctionne, il faut une conflictualité saine, des conversations courageuses, oser la confrontation. Sinon, on entre dans le conflit froid. Dans les langues germaniques anciennes, le mot don se dit « gift » et il a une double signification : il signifie à la fois cadeau et poison. Pour que le don soit un cadeau, il doit être régulé. Le manager a un rôle très important dans cette régulation. Il lui faut tenir cette énergie pour permettre l’autonomie, la prise d’initiatives, la créativité, l’innovation tout en protégeant les personnes d’elles-mêmes. Donner ne signifie pas se « sacrifier », chacun doit se donner mais pas trop, il faut appliquer les règles de la déconnexion, ne pas faire de réunions après 18H00… Donner et recevoir à travers son réseau social est le premier facteur chance dans la vie. Il est aujourd’hui essentiel de réévaluer l’importance de ce cycle. C’est ça la révolution du don !
Lors de la convention, retrouvez Jean-Edouard Gresy et Mickael Mangot en regards croisés – Le bonheur en entreprise, qu’est-ce que ça don-ne ? – univers Cité – Jeudi après-midi