Les justes voies de l’engagement avec Emmanuelle Joseph-Dailly

Anthropologue, consultante, auteur du livre La stratégie du poulpe (Eyrolles) (*)

Comment bâtir le socle d’un engagement véritable en entreprise ? 

Un entrepreneur doit toujours se demander pourquoi il désire que ses collaborateurs s’engagent. Sa démarche sera d’autant plus pertinente qu’il ne projette pas son propre engagement. L’étape numéro 1, avant de construire une approche pour l’entreprise, est de travailler sur les ressorts intimes de son propre engagement. Nous avons tendance à penser que l’engagement des autres ressemble au nôtre. Il est clé pour le dirigeant de prendre du recul car il y a de multiples façons de s’engager. 

Comment le collaborateur va vivre cet engagement ?

N’oublions pas que le collaborateur met une part de lui plus forte dans les choses quand il s’engage au sein de l’entreprise. Le mot engagement veut dire “mettre en gage”. Le sens est fort. Cela veut dire mettre du cœur dans la chose faite, une part de soi, pouvoir dépasser son propre rôle. C’est ce que nous appelons les comportements extra rôles. Le collaborateur va au-delà de la feuille de route. 

Dans le monde économique actuel, on convoque beaucoup le mot engagement. Selon vous, l’engagement est-il un cap à atteindre ou un chemin à tracer ? 

Un peu des deux finalement. L’engagement relève d’abord d’un chemin. Quand un dirigeant insuffle une dynamique d’engagement, il travaille sur l’employabilité des collaborateurs, leur équilibre de vie. La manière dont le collaborateur avance sur ce chemin est importante. Le salarié satisfait ses besoins financiers, sociaux, ou d’ordre intellectuel. L’engagement est aussi la boussole. Il donne un sens au quotidien et un objectif à atteindre. 

Comment le dirigeant peut-il inciter ses collaborateurs à rejoindre cette voie de l’engagement ? 

Comme nous l’avons évoqué, il doit d’abord se questionner sur son propre engagement :  les variations émotionnelles susceptibles de l’affecter, ce qui se passe quand il est engagé ou désengagé… . Ensuite, il pourra observer son entreprise. Y-a-t-il en interne une prise de conscience suffisante des enjeux pour que tout le monde s’engage ? Il faut tenir compte d’une grande variété de paramètres. Personne ne s’engage de la même manière.

 Comment la motivation nourrit-elle l’engagement ? 

Les motivations à s’engager font appel à de multiples paramètres, dont le cerveau social et le rapport au groupe. Le collaborateur s’engage parce qu’il sent des affinités avec le travail, l’entreprise et le groupe. 

Comment le dirigeant peut-il emmener son entreprise sur les voies de l’engagement ?  

Il  n’emmène pas son entreprise mais plutôt les collaborateurs. Il existe différents leviers, l’un d’entre eux est de donner un sens à leur mission. Les modalités d’engagement changent aujourd’hui. Il y a un désir d’explorations multiples. Il faut arriver à penser le temps long comme le temps court, le collectif comme l’individuel.